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1 juillet 2008 2 01 /07 /juillet /2008 23:02

Mercredi 21 mai

Mais qu’est-ce qu’on fout là ?

 

4 jours qu’on a quitté Cuba et que l’on a mis le cap plein sud…

Et on rame, et on rame…

D’abord, pas de vent. Alors moteur, moteur, moteur.

D’après les cartes météo que nous recevons à bord, le vent d’Est est un peu plus bas au sud, alors on va le chercher…

Sauf que j’aime pas faire du moteur.

Ca pue, ça fait du bruit, et puis j’ai jamais trop eu confiance dans la mécanique. Alors on surveille le ronronnement de la mule en marmonnant «  tiendra ? tiendra pas ? ».

Va pour une nuit de moteur, mais  2 nuits de moteur ça commence à peser sur le système…

Heureusement, pendant la journée, on essaie de profiter de toutes faibles brises avec notre joli généker,  mais c’est plus pour se reposer du moteur que pour véritablement avancer, car on tire des bords à 2 nœuds…

On rame…

Puis encore une 3ème nuit de moteur… on commence à obliquer vers la Jamaïque rien que pour faire le plein… joli programme…

Parce que sur les 750 milles nautiques à faire entre Cuba et les San Blas (Panama), on en a pas encore fait 200 et on a déjà pompé la moitié de nos réserves de fuel…

Ah ! un point positif de la nuit dernière : des dauphins qui, non contents de jouer dans l’étrave, faisait de véritables bonds de plus de 2 mètres de haut, en tordant la queue sur le coté, comme pour dire « hé ! t’as vu dis, t’as vu ce que je sais faire... »

 

Et puis, quand même voilà le vent

ouais, mais dans le nez, le vent.

Alors voilà, on est au près avec encore 550 milles devant l’étrave, ça bouge, ça penche et c’est chiant…

Le  genre de moment, donc, où on se demande bien ce qu’on est venu faire ici.

Le genre de moment qu’on connaît bien avec les voiliers, car il faut bien l’admettre, ils sont récurrents.

Pour positiver, j’essaie de m’imaginer que ces moments, si ils ont leur place, doivent avoir leur rôle. Sans doute mieux nous préparer à recevoir la prochaine escale. C’est sûr qu’après 10 jours à se faire brasser dans tous les sens , on sera les plus heureux même si on arrivait à Dunkerque sous une pluie givrante après une marée noire… 

 

Paco et Marin, de leur côté sont assez étonnants. D’une tolérance incroyable par rapport à la vie qu’on leur fait mener. Bon, Marin lâche quand même que « vraiment il aime pas mais pas du tout ce genre de navigation car vois-tu, on peut même pas jouer au playmo… ». Ceci dit, il va se coucher sans broncher dans la couchette avant ( ceux qui connaissent les plaisirs d’une couchette avant d’un voilier au près comprendront) laissant à Paco la couchette du carré centrale, moins… centrifugeuse.

Maï et « Béja » sont des équipières au top et les quarts de 3 heures défilent, défilent, défilent.

Lectures, histoires MP3 et musiques défilent, défilent, défilent…

 

 

Vendredi  23 mai

Le vent s’est maintenu, d’abord de Sud, puis de Sud Est et le voilà maintenant d’Est Sud Est.

Chaque degré adonné est un cadeau. Ca ne m’empêche pas de râler un peu car c’est bien du vent d’Est qu’on espère depuis le départ…

Mais bon, nous avons bien dépassé la Jamaïque et nous voilà à mi-chemin, avec un voilier qui avance. Il reste plus de 350 milles.

On est donc toujours au près un peu moins serré, et ça bouge, ça penche et c’est chiant…

On est prêt pour atterrir dans le quartier nord de Tourcoing jour de brouillard…

 

 

 

Dimanche 25 mai 2008

Cette fois ça y est

Disons que depuis hier, la tendance a changé et ça deviendrait presque plaisant.

D’abord le vent est doucement passé à l‘Est nous permettant d’avancer plus vite et moins contre les vagues. Confort, donc.

Ensuite, ben il reste 110 milles…

Ca fait 1 semaine qu’on gîte sur tribord et je pense qu’on va pas être fâché lorsque Tiloune voudra bien se recaler à l’horizontale.

Autant les navigations vent arrière ont un coté magique, autant l’étrave qui percute sans cesse les vagues , ça finit par être rébarbatif… mais bon, la mer est belle, on en chie plus vraiment et finalement on veut bien atterrir aux San Blas.

D’ailleurs on sent nettement qu’on s’approche du continent. L’air est plus chaud, le ciel se charge peu à peu de gros nuages, ç a sent l’orage… Mais c’est normal, c’est la saison et c’est le climat du coin. Il va falloir attendre le Pacifique pour retrouver le doux aquilon de l’alizé du large. Désormais, on est bon pour couper tranche à tranche l’air épais comme du manioc, à coup de lame de ventilo. Nous venons effectivement de descendre de 22° à 9 ° de latitude Nord …

 

 

Pour la suite de ces nouvelles je me permets de vous retransmettre ci-dessous le récit « texto » que notre amie Christine Beja a écrit pour ses amis… il est intéressant d’avoir un autre point de vue de la traversée… et puis je suis un gros faignant et cela m’évitera de vous raconter les San Blas. Je dois juste m’excuser de vous transmettre aussi les fleurs que Béja nous envoie, mais je ne voulais pas trahir notre amie en modifiant la moindre phrase…


Bonjour des San Blas

 

Nous avons donc quitté Cuba et repris la mer. Route plein sud vers l’archipel des San Blas sur la côte sauvage à l’est du Panama.

Neuf jours de navigation qui ont été un véritable moment de bonheur.

Les premiers jours, la mer est ronde et lisse ; le miroir liquide est à peine ridé par une petite brise qui peine à faire avancer le Tiloune. Le moteur nous emmène loin des côtes cubaines et nous avons devant nous l’espoir de trouver le vent.

Durant trois jours nous sommes ainsi entre moteur et voile à la moindre brise. La vie à bord est au ralenti, comme suspendue dans le temps.

La nuit, la lune gironde dont l’éclat blanc monte et se reflète dans l’eau noire trace un sentier lumineux moiré d’argent.

Lorsque je suis de quart et que tout le monde dort à bord, vient le moment de sérénité solitaire qui me comble.

Puis après le grand calme vient le bon vent. Orienté à l’est/sud-est, nous arrivons à tenir un bon cap malgré notre allure au près peu confortable ! un peu sportif pour mes vieux os !

Puis les jours suivants entre près et travers avec un vent qui faiblit un peu, nous nous installons dans une navigation bien agréable et nous poursuivons tranquillement notre route.


C’est pour moi un enchantement. Nous sommes comme entre parenthèses, ni ici ni là-bas, à chaque instant ailleurs et toujours entre ciel et mer….Comment remercier mes amis pour ces moments uniques ??

 

L’imensité de l’océan fait notre quotidien. Tiloune trace sa route sur la vague et après 8 jours de mer les côtes sud américaines émergent sur notre horizon. Le temps change, le ciel se charge de nuages, les éclairs lézardent le ciel bas, l’horizon est incertain…

Notre dernière nuit de mer nous tirons des bords à 30 miles de l’archipel et nous arrivons à Porvenir, la petite île où nous pouvons faire notre entrée sous une bonne pluie qui dure toute la journée.

Depuis entre soleil et ciel gris, rare pluie et moiteur, nous naviguons dans l’archipel d’un îlot à l’autre. A la voile ou plus souvent au moteur car le vent est faible. Nous croisons les pirogues des Kunas. Ils vont à la pagaie ou à la voile sur leurs petites embarcations…

 

Nous voici en territoire Kuna, peuple indien de Panama qui tente de préserver sa culture et son mode de vie.

 

Il y a des îles cocoteraies où ne séjournent que 2 ou 3 indiens qui récoltent les cocos et attendent les bateaux colombiens qui font commerce des noix. Accueil sympathique sur une île de « Cayo Hollandes » par Prado et Trini avec qui je passe un grand moment sous l’abri de palmes au bord de la plage. Achat de mollas, les broderies typiques et locales des femmes d’ici et premiers échanges entre langue espagnol et kuna…

 

Le décor est de carte postale !

 

 

 

 

Cocotiers, sable blanc, eaux turquoises, récifs colorés et poissons tropicaux. Je croise une petite murène, un jeune baraccuda, une raie léopard et des tas de jolis poissons tropicaux…

Mais ce décor a son revers…après les grosses pluies de notre arrivée les « nonos » se sont réveillés !!! les minuscules insectes voraces et friands de ma peau claire s’en sont donné à cœur joie et ils m’ont laissé des traces pour plusieurs jours, se rappelant à moi régulièrement par de fortes démangeaisons…. Heureusement ce n’est pas comme ça tous les jours !

Nous passons 3 jours près d’un groupe d’îles au look paradisiaque où nous retrouvons un bateau ami. La vie du bord s’organise. Premières pêches des garçons. Régal de poissons perroquets puis festin de langouste. Soirée sur la plage, feu de bois et délice de riz cuit dans le lait de coco avec goûteuse araignée de mer.

 

 

 

Puis cap sur Rio Diablo et les deux îles toutes proches d’où je pourrais m’envoler pour Panama car il y a petit aérodrome.

Un matin nous partons en annexe remonter le rio où les kunas vont chercher l’eau douce. La rivière est bordée d’une végétation luxuriante mi sauvage, mi cultivée. Après la mangrove de l’embouchure nous retrouvons les cocotiers, manguiers, plants de maïs. Plus loin arbres majestueux et grands bouquets de bambous. L’eau est claire en amont sur un lit de sable brun et doré. Baignade dans l’eau fraîche et douce, un délice après tous ces jours salés…

La forêt chante et bruisse. Forêt vivante dans laquelle nous ne pénétrons pas vraiment mais qui nous appelle. Vocalises des grillons, cris des oiseaux et pépiements de toutes sortes…murmure de l’eau vive…

 

 

Parfois un oiseau traverse la rivière et offre à nos yeux émerveillés le spectacle de son plumage de couleurs…

A présent nous sommes à l’ancre face à l’île « Tigre ». Île village où vivent les indiens. Les cases en cocos sont alignées sur le chemin de sable propre. Les femmes sortent leur mollas à notre intention ; les hommes parlent un peu d’espagnol et se chargent des transactions. Nous pouvons acheter du pain. Au bout du village une grande école où les enfants de l’île et des îlots voisins apprennent tout d’abord le kuna puis l’espagnol et l’anglais. Sourires et cris de joie des enfants, nous sommes un peu l’attraction du jour. Il passe pas mal de voiliers dans ces ces îles mais à cette saison avec la météo instable nous sommes seuls à l’ancre et dans la nuit, nous entendons les rires et les chants des habitants de l’île.

 

 

 

 

 

 














Le temps passe, trop vite… Il est compté pour moi. Je m’envole bientôt pour d’autres horizons, renonçant à passer le canal avec le bateau.

 

Je quitte la famille Tiloune et c’est un déchirement après ces quatre mois de grande promiscuité et de vie commune. Mais ma route est autre à présent.

La verte forêt amazonienne m’appelle pour un autre voyage, plus intérieur sans doute auprès des chamans péruviens.

 

Voici donc le temps pour moi de vous remercier.

Merci à ceux qui m’ont lu et à ceux qui ne m’auront pas tenu rigueur d’encombrer leur boîte mail de ma prose.

Merci à tous de votre présence qui m’a tenue à ce modeste récit de voyage.

J’écris vite sur l’ordinateur du bord, peu d’électricité car ciel nuageux depuis quelques jours.

 

Maï m’attend pour notre répétition. Nous enregistrons accordéon et chant. Y’a des couacs mais on est contentes. Nous avons toutes les deux conscience de ces moments si précieux mais désormais comptés et qui ne reviendront plus.

 

Quel bonheur que l’amitié ; quel bonheur d’avoir pu partager tout ce temps, ces aventures, ces plaisirs, ces contraintes aussi qui font le sel de cette vie de nomades à la voile.

Merci à Maï qui a tant désiré ce partage et m’a invitée à faire partie du voyage. Merci au capitaine Dodo qui nous a  mené à bon port avec une écoute attentive des besoins de son équipage, merci à Paco et Marin pour leurs présence d’enfants et merci à la vie, à l’amitié et à « Mer Nature » toujours si belle et si généreuse d’elle même.

Pensées à vous

Christine

A suivre un 2eme article des San Blas  et .....  de la Maï ¡¡¡¡

 

 

 

 


Ecole de croisière du Tiloune - Réunion Maurice à la voile -

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commentaires

B
Je rejoindrai l'avis de Fabrice ( que je ne connais pas ! ) on se promene grace à vos plumes respectives, ressentant le moindre coup de vent...C'est magique...La moindre émotion aussi...Bon vent terrien à Béja, merci pour ta participation, quand à Marin Bon anniversaire petit d'homme, Maï j'envoie un mail, merci pour les nouvelles, des millions de bisous a vous partager...Babette
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D
Vu le blog! je pars à Breuillet, bisous de Denis et Sophie
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F
Merci pour ce nouveau recit.<br /> L'avantage c'est que quelquesoit l'auteur, vos plumes (bon ok, je me suis planté, vos frappes lexicales du clavier !!! c'est mieux, comme ca?) savent nous deplacer. Tout a coup, nous sommes a bord, avec vous. J'aurai presque le mal de mer tellement ca tape et gite !!!! rire. Bref, c'est vraiment un beau partage. Alors surtout continuez, votre voyage, d'abord, et vos recits ensuite, en attendant le moement reve ou on pourra se recroiser pour qu'au contenu deja connu, s'ajoute la chaleur des retrouvailles et des recits et autres anecdotes au coin d'un punch glace.<br /> Et heureusement que les bateaux ont des etraves, ca permet au barreur de viser droit devant, et c'est tellement la meilleure direction.<br /> Grandes amities<br /> Fabrice
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M
bonjour, je veux vour remercier pour ce temps que vous passer sur l'ordi ! celà nous fait rêver ! continuez !<br /> amitiés de martinique et de grande anse d'arlet<br /> mumu et regis
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