Vendredi 6 mai 2011,
Tiloune se balade depuis déjà 1 mois au Vanuatu.
Le temps passe beaucoup trop vite, et rappelez-vous notre jeu :
Bali le 15 juillet !
Il va donc falloir penser à mettre les voiles, à l’ouest, toujours un peu plus à l’ouest…
Mais laissez-moi vous raconter :
Nous sommes donc arrivés à Port Villa, début avril.
On ne va pas trop y traîner. Juste le temps de faire les formalités, le marché, quelques liaisons internet difficiles, quelques enregistrements de voix off des enfants pour le film pour Thalassa qui se concrétise, (on en a profité pour fêter ça avec un resto, d’ailleurs, à chaque fois que ça avance un peu, ce projet, on le fête… ça devient une manie… faut dire qu’on a bien galéré pour trouver un endroit silencieux dans la rade de Port Villa pour faire ces enregistrements, en ce dimanche ; d’abord ce fut un moteur qui passait et repassait ; on a bougé, ce fut ensuite le prieur et les chants de messe qui venaient jusqu’au micro, ça s’est terminé à la dérive en plein milieu de la rade…),
et, il faut signaler, 2 moments culturels et artistiques intenses :
- la visite de la fondation N. MICHOUTOUCHKINE et A. PILIOKO
Un grand moment de délire en couleur, dans son écrin de forêt tropicale en bord de mer. Un lieu de vie d’artiste assez bluffant…
A.PILIOKO
- et une pièce de théâtre, mais oui, nommée « Kiwi » sous l’égide de l’alliance française, qui raconte la débrouille d’enfants ados à la dérive : en plein dans le mille pour nos ados qui grandissent malgré tout… oui, nous sommes allés au théâtre au Vanuatu !
Bref nous étions à la capitale !
Puis nous sommes montés à Mallicolo (ou Malakula, suivant les cartes).
A Port Sandwich, exactement.
D’abord, il nous fallait repérer correctement ce trou à cyclone, car je rappelle qu’avec notre timing de ouf, on triche un peu sur la saison. Nous sommes donc très vigilants sur la météo et tel un planeur qui ne partira pas en transition sans rester à portée de vol d’un terrain d’atterrissage, nous naviguons toujours avec, au coin de l’œil, un abri cyclonique dans un rayon de moins de 100 milles…
Mais, surtout, on nous avait dit beaucoup de bien des gens du coin, qui, de plus, sont francophones.
(Au cas où vous ne le sauriez pas, le Vanuatu, ex-Nouvelles Hébrides, était, avant l’indépendance en 1980, sous l’autorité des anglais et des français en même temps, un condominium, qu’ils disaient. Résultat, ici, certains villages sont francophones et d’autres anglophones…)
Et donc Port Sandwich : extra.
Les gens adorables, nous ouvrent leur porte, nous montrent comment ils vivent, ce qu’ils mangent, comment ils cuisinent…
Paco fera un coup de pêche en pirogue avec Noël,
Marin va investir le coin bibliothèque de Rock.
Et nous, on va écouter Rock nous parler de son pays.
C’est un ancien de l’éducation qui s’est reconverti dans l’exportation de Kava, pour finir gardien des livres, dans son village.
Un régal de tolérance, de compréhension, d’amour des livres et de l’échange…
Gisèle et Hervé (le grand chef) nous feront aussi un accueil d’une spontanéité hors du commun et qui semble si naturelle ici.
Dès le premier jour, nous étions dans leur cuisine à observer la confection des rouleaux de manioc dans les feuilles de choux (épinard local), cuit au lait de coco sur le feu de bois
Et c’est chez Rock qu’on a suivi de près la confection du lap-lap : manioc râpé encore, cuit à l’étouffée dans les feuilles de palmes sur les pierres chauffées.
Et chaque soir, la journée se finit par la préparation du Kava
Un moment important qui clôture la journée en bonne compagnie, le Kava est toujours un moment partagé.
De Mallicolo, nous mettons ensuite le cap sur Pentecôte, un peu inquiets par l’aspect touristique de l’escale, car c’est là que se pratique le saut du Gaul.
Quelques tribus du sud de l’île, pratiquent cette coutume ancestrale : s’élancer dans le vide, du haut d’une tour échafaudée d’environ 20 m de haut, une liane attachée aux chevilles, une liane de la longueur exacte permettant d’effleurer le sol mais évitant à l’homme de se fracasser…
Cela aurait inspiré le saut à l’élastique des occidentaux.
Cette coutume exceptionnelle est connue depuis longtemps des tours opérators et on a bien senti, à Port villa, qu’on nous attendrait, nous et nos gros billets…
Sauf que Rock nous avait conseillé un village, (que je ne nommerai pas, allez plutôt voir Rock de notre part…en lui apportant des livres…)
Au début, je le sentais pas trop ce mouillage… pas franchement abrité… mais nous avons eu de la chance avec le temps et surtout avec cette rencontre.
Nous sommes restés une semaine devant ce village.
D’abord, il y a eu les enfants, tous ces enfants rayonnants, sur la plage, attendant que Tiloune finisse sa manœuvre de mouillage (on est toujours un peu lent avant de se décider à laisser filer la chaîne).
Lorsque nous avons mis le pied à terre, ce fut un cortège à notre rencontre.
Je pense quand même que Paco et Marin y étaient un peu pour quelque chose…
Ainsi nous découvrons ce village entièrement fait de bois, de bambous déployés et de feuilles de palmes pour la couverture. L’école, aussi, construite en traditionnelle, seule l’église est en dur.
Une fois par semaine, le village organise le saut du Gaul d’avril à mi-juin, saison de l’igname et surtout saison de la liane pour qu’elle soit adaptée à ce qu’on lui demande.
(pour la petite histoire, lors du passage de la reine d’Angleterre, on lui fit la démonstration malgré qu’il fût trop tard en saison, la liane cassa, un mort.)
A l’origine, c’est un geste initiatique symbolisant le passage de l’enfant à l’adulte.
Il semble que cela reste encore très chargé de sens pour les jeunes et les chefs coutumiers, mais cet évènement est aussi mis à profit pour récolter quelques rentrées d’argent ce qui est bien compréhensible…
Ce matin-là, dans notre village, il y avait 5 touristes ; une famille néozélandaise et un français des Fiji. Nous qui nous croyions seuls au monde, on avait déjà oublié les catalogues de Port Villa…
Mais on a vite oublié que notre équipage doublait l’effectif touristique pour se laisser prendre par l’événement… à couper le souffle…
La tour a plusieurs étages.
Le jeune choisit la hauteur à laquelle il désire se lancer.
Le premier niveau sera choisi par un gamin de 11 ans…
Et tout cela, au rythme des chants et des danses…
Beaucoup d’émotion pour nous et les enfants…
Paco ira ensuite inspecter la tour, mais aucune intention de plonger
Les 9 sauteurs ayant plongé, l’événement prit fin, les 5 occidentaux repartirent… et nous restâmes…
Apprivoisés par ce village, nous avons commencé par visiter l’école en y laissant nos derniers livres que Paco et Marin avaient sélectionnés.
Une petite école primaire qui aurait presque redonné à Maï l’envie d’enseigner… c’est dire si elle est adorable…
Mais les écoles sont toujours charmantes, après la classe… se plait-elle à plaisanter…
Et on eu envie de pousser un peu plus loin la rencontre.
L’idée nous est venue de proposer de présenter un court résumé de nos films à l’école.
Un vif enthousiasme suivit cette proposition, et nous voilà, l’ordi à bout de bras, devant 60 gamins scotchés devant le teasing des « 2 frérots autour du monde »…
Suite à cette mini « projection », Marin tenta de lancer le débat, mais faut pas rêver, tout de même. Nous venons d’une autre planète et quelles questions pourrait-on bien poser aux martiens ?
Marin ne se dégonfla pas et sans nous consulter, il invita tout simplement l’école à venir visiter notre vaisseau spatial.
On ne se dégonfla pas non plus.
Le lendemain, Paco organisa les navettes pour faire venir à bord une bonne cinquantaine d’enfants, dans un roulement savamment orchestré et facile à gérer tellement ces enfants furent gentils, obéissants et respectueux…
La semaine est vite passée.
Matinée de Cned, ne l’oublions pas,et après midi de balade à travers le village et les jardins, en compagnie d’une bonne partie des enfants du village.
« et ça c’est l’igname, et là le tarot, et puis là le kava… »
« tu plantes, tu coupes, tu manges »
Combien de fois entendrons-nous ce refrain
« tu plantes, tu coupes, tu manges »
« Le manioc, le tarot, l’igname : c’est pour la force »
« Les pamplemousses, les citrons, les papayes, les bananes : c’est pour la santé »
« et le cochon, le poulet, le bœuf : c’est pour l’énergie »
D’accord, donc en gros, ça va ?
Ooooh oui ! ça va !
Il y a eu quelque chose de magique dans ce village tout de végétal, dans ces jardins « tu plantes, tu coupes tu manges », au bord de cette rivière claire et vive qui se jette dans la mer, avec ces enfants qui, lorsqu’ils plongent dans l’eau, font déjà le geste auguste et inspiré du saut du Gaul qu’ils observent depuis tout petits…
Et les vieux, les grands, les majestueux arbres…
En quittant l’école, Paco et Marin ont accepté à leur tour quelques cadeaux symboliques de la culture locale : une petite pirogue, un sac de pandanus, et la tour du saut du Gaul, à l’échelle exacte du bonhomme playmobil… évidemment…
Ces quelques mots sont bien courts pour vous faire partager cette escale.
Je vous promets qu’on y reviendra, en film, au moins. Je l’ai promis aux enfants du village.
Et puis, et puis, il fallut lever l’ancre un matin.
Un petit crochet par Ambae, mais le rideau de pluie ne nous a pas permis de voir la pièce…
On a ensuite poussé jusqu’à Oyster Island, sur l’île d’Esperitu Santo, pour repérer l’autre trou à cyclone… On n’est jamais trop prudent.
On a surtout retrouvé un signal internet perdu depuis 3 semaines… ce fil à la patte dont nos amis de Pentecôte se passent bien… « tu plantes, tu coupes, tu manges » rappelle-toi.
Sinon, Oyster Island, très « jouli », comme on dit en brousse calédonienne. Le trou bleu, tout ça, le resto aussi, fin bon… il devait y avoir encore un truc à fêter…
Mais bon, après les rencontres de Mallicolo et de Pentecôte, évidemment, c’est déjà un autre monde…
Et c’est ainsi qu’on se retrouve à Luganville, 2ème ville du Vanuatu, LE bled d’Esperitu Santo, pour faire nos formalités de départ… et puis le marché…
Le marché de Luganville sera un bon moyen de redescendre de notre petit nuage et de se rappeler que le Vanuatu est un pays très pauvre.
Quand on se rapproche des villes, la pauvreté prend vite des allures de misère…
On serait bien resté sur notre petit nuage "tu plantes, tu coupes, tu manges"
Bon !
là, on fait très fort, si si, très fort !
On vient de finir toutes les appros, l’eau et le gaz oil à coups de jerrycans, (rien n’est simple à Luganville), d’expédier la séquence 9 du Cned, les galères internet pour finaliser le projet Thalassa… on se retrouve au mouillage devant un resto pour se payer la soirée mémorable des 15 ans de Paco !
Et oui, nous sommes le 7 mai,
ce soir on boit, demain, cap sur la Papouasie en passant par les Louisiades, peut-être…
On ne sera pas joignable pendant au moins 3 semaines.
En gros on n’est pas malheureux, et ce sera tout pour cette fois-ci
Ah oui, j’oubliais, on apprend aussi ce jour que grâce à notre équipe de choc de Pacifico Island Production, notre film est programmé sur Thalassa le 10 juin, sous le nom de « Paroles de mousses »
On pense à vous très fort, avec une mention particulièrement sensible pour ceux qui nous ont permis de réaliser nos rêves, ils se reconnaîtront.
Les Tiloune
Ecole de croisière du Tiloune - Réunion Maurice à la voile -