Vendredi 19 août 2011, ile de la Réunion.
Marin vient de se faire happer par le bus de ramassage scolaire, pour son premier jour de collège.
Paco, c’était hier, le lycée.
Et Tiloune a eu la bonne idée d’atterrir à la Réunion, l’avant-veille, après 25 jours de navigation avec une escale à Cocos Keeling.
Un peu hébété, un peu décalé, je flotte, encore…
La transition va devoir se faire doucement.
Ces jours derniers, l’océan infini, l’indien, celui du sud, celui qui bouge, qui danse, qui hypnotise :
Ces vagues et ces houles qui se chevauchent, se mélangent, un peu désordonnées, comme les flammes d’un feu que le regard ne peut lâcher, support à toutes les rêveries.
Imaginez un peu, 25 jours devant un feu immense, avec parfois une bassine d’eau de mer sur la tronche qui vous ramène à la réalité, plutôt fraîche.
Le grand lavage océanique s’est opéré, je me sens redevenu poreux au monde qui m’entoure.
Je vous raconte :
Nous avons quitté Bali le 16 juillet, Anouk, Joël et moi.
Début de nav parfaite, vent faible, mais vent tout de même. Soleil, mer belle et généker. Exactement ce qu’il fallait pour se mettre doucement dans le bain, sans violence.
9 jours et 1100 milles plus tard, nous atterrissons à Cocos Keeling.
Ambiance atoll corallien, île déserte, cocotiers, sable blanc et lagon bleu, magnifique. La carte postale, le fantasme du navigateur… sur papier glacé.
Disons que c’est l’ambiance, qui fait un peu « papier glacé »
Cocos Keeling est, …, disons, … , surprenante.
D’abord, nous sommes émerveillés.
Tiloune laisse délicatement tomber son ancre sur 3 mètres d’eau turquoise et cristalline (ça va sans dire).
Quelques petits requins pointe noire, viennent nous saluer.
Jusqu’ici tout va bien.
Puis voilà les autorités australiennes. Très courtoises.
Sauf qu’on a tout faux. On n’a pas nos visas électroniques.
C’est moi.
Ma trompé.
Emmêlé dans des infos contradictoires sur ce petit territoire plus ou moins autonome, je croyais que ce n’était pas nécessaire pour cette escale simplifiée. ERREUR !
Nos policiers restent courtois, mais ils nous feront comprendre qu’on risque l’amende… faut vite trouver une connexion internet pour rattraper le coup, faire cette demande de visa électronique, en disant qu’on est déjà sur territoire, sauf que c’est pas possible… La machine ne peut pas traiter une demande de visa si on est déjà sur le territoire… aglagla, ça sent le drame kafkaïen.
Bon, je vous passe les détails et finalement nous obtenons tous notre visa, avec quelques sueurs froides.
Tout ça pour dire aux navigateurs qui suivent : Attention ! Pensez à votre visa électronique, même pour une escale rapide à Cocos Keeling !
Tout en démêlant ce grain de sable dans la machine de l’immigration australienne, nous avons pu entrevoir la « vie » locale…
Etonnant…
Cocos Keeling est une ancienne exploitation de coprah des colonies britanniques. Une communauté malaise musulmane a été installée là depuis 1825 pour exploiter la cocoteraie pour le compte de la famille John Clunies-Ross.
Depuis, l’exploitation du coprah a été abandonnée, faute de rentabilité, et l’urbanisme est réglé à l’australienne.
Il n’y a que des fonctionnaires, pas vu de pêcheur, pas vu de marché… Etonnant !, Cocos Keeling Island.
Une île pour les Malais musulmans (Home Island), une autre pour les quelques expat australiens et touristes (West Island), et une île déserte pour les voiliers de passage (Direction Island).
Tout est bien rangé.
Interdit bien-sûr, d’aller ailleurs qu’à la place qui nous est allouée. On a de la chance, c’est la plus jolie.
Nous avons arpenté les rues désertes, tracées au carré, de Home island, nous avons été boire au pub de West island, et nous avons regardé les poissons à Direction Island.
Puis nous regagnions avec plaisir notre mouillage désert devant notre île déserte.
Le 4ème jour, 3 bateaux sont venus mouiller tout près de nous…
Ils ne sont pas venus nous dire bonjour. Nous non plus…
Nous sommes partis, après nous être acquitté, bien-sûr, des frais de stationnement (8 € par jour).
Cocos Keeling ; voilà qui donne un avant goût des mouillages du bout du monde tel que le monde nous le prépare, peu à peu…
On aime, ou on n’aime pas…
Le 30 juillet, après 5 jours d’escale, nous remettons le cap sur la Réunion. 2500 milles. Avec option d’arrêt possible à Rodrigues qui se trouve à 2000 milles. Pas de terre d’ici là.
La météo annonce du vent, mais on va se faire un peu surprendre par un temps assez rude.
Dès la première nuit, 35 nœuds de vent établis, mer déferlante et pyramidale, chocs sur la coque, pont submergé fréquemment, personne n’arrive à dormir.
Le lendemain, temps gris avec nombreux grains. 30 nœuds de vent rafales à 35. Pluie, moral moyen, mer confuse. On arrive à peine à dormir par petite tranche de 10 mn…
Ca va durer comme ça 5 ou 6 jours, avec parfois une accalmie, qui dure une nuit où le vent se stabilise à 25 nœuds et la mer s’organise un peu.
Le 6 août, je notais encore sur le journal de bord :
« A 4 heures ce matin, grain violent, mer de travers, pont souvent submergé…
Puis à midi, le soleil revient, le vent est toujours fort et la mer très formée, mais ça mouille moins. Reste 900 milles pour Rodrigues. 160 milles en 24 h . La météo annonce de bonnes nouvelles, on n’aura peut-être pas d’autre front froid d’ici Rodrigues… »
La deuxième moitié du parcours Cocos Keeling / Rodrigues se passe beaucoup mieux.
Le soleil est souvent là, l’alizé se stabilise de plus en plus, avec quand même un temps à grain parfois virulent. On ne peut pas trop se plaindre, il est vrai que nous sommes en plein mois d’août dans l’océan indien…
Suite aux mauvaises conditions du début, je commence à réaliser la chance qu’on a de retrouver du beau temps.
Le 12 août, nous sommes en vue de Rodrigues, la météo continue de s’annoncer bonne pour les 5 jours à venir. Je décide de continuer direct, et je fais l’erreur du voyage.
Je ne mesure pas la déception de mes amis qui visaient Rodrigues comme une évidence, depuis le temps qu’on se disait, dans le mauvais temps, "vivement Rodrigues ! "…
Des raisons de ne pas s’arrêter, je peux m’en servir un wagon, mais là n’est pas la question. On aurait dû s’arrêter.
Voir Rodrigues disparaitre dans le sillage, cette nuit là, a plombé l’ambiance. Acte manqué. Mea culpa.
Anouk et Joël, mes amis, mes bons amis, ne m’ont pas balancé par-dessus bord et m’ont même aidé à réaliser mes derniers délires de prises d’images.
On a profité du beau temps annoncé pour lancer le cerf-volant à plusieurs reprises
Merci les amis, les bons amis !
Et le 16 août au matin, Tiloune embouque la passe du port de la pointe des galets - ile de la Réunion.
Les enfants sont là pour l’accueillir
Voilà la fin d’un voyage.
Titouan Lamazou disait un truc qui me plait bien, un truc du genre :
S’il existe 3 grands bonheurs, ce pourrait être :
Partir, Revenir, et tout revivre dans un dessin.
Il me reste maintenant à me mettre à mon dessin… qui sera animé, je crois.
J’ai bien l’intention de faire revivre ce voyage en film, petit à petit, depuis le début et par épisode.
Il est possible que je le fasse partager à travers ce blog qui va donc continuer sa vie.
Mais doucement, doucement, j’atterris…
Je redécouvre la Réunion, que nous avons quittée il y a 11 ans et des tonnes de souvenirs refluent par vagues déferlantes sur houle résiduelle croisée.
Je n’avance pas, toujours en arrêt sur chaque détail qui se rattache à un lambeau de mémoire lointaine. A peu près au même rythme que l’endormi découvert par les enfants au fond du jardin…
A bientôt et merci pour tous vos petits messages en direct ou en commentaire. Maintenant que nous avons internet à la maison, je vais être un peu plus réactif… bientôt…
Les Tiloune
PS: photos de la nav par Anouk !
PS2 : excusez cette précision mais j’ai appris que certains d’entre vous n’ont pas connaissance du principe de la news letter : C’est simple et ça n’engage à rien. Pour être informé d’une nouvelle sur le blog (mise en ligne des films par exemple), il suffit d’inscrire votre email à la news letter.
Ecole de croisière du Tiloune - Réunion Maurice à la voile -